DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE DES MALADIES CORONARIENNES AIGUËS 
AUX URGENCES  

D'après le protocole n° IV.L.1/1999 (P. Le Conte)

LES MESSAGES

- La stratégie diagnostique devant une douleur thoracique doit s’envisager en pleine collaboration avec les cardiologues selon des modalités fixées à l’avance et en fonction des contraintes locales. Il s’agit en effet d’un problème quotidien et potentiellement grave, ces deux éléments plaidant pour une démarche rigoureuse et si possible écrite.
- L’interrogatoire, l’examen clinique, et l’ECG initial sont les éléments essentiels de la démarche diagnostique devant un patient présentant une douleur thoracique.
- Les examens biologiques n’ont aucun intérêt diagnostique devant un patient présentant une douleur thoracique et un sus-décalage (> 1 mm en périphériques et >2 mm en précordiales) dans deux dérivations contiguës ou en D1 et aVL (infarctus latéral haut), le diagnostic d’IDM étant alors déjà porté.
- L’association douleur thoracique spontanée et pacemaker peut motiver un avis cardiologique immédiat car le diagnostic d’infarctus du myocarde peut parfois être porté sur des signes électriques fins.
- A l’inverse, les dosages biologiques prennent tout leur intérêt lorsque la douleur thoracique est atypique ou absente et que l’ECG est normal ou non spécifique. Il en est de même dans d’autres circonstances cliniques : OAP sans étiologie retrouvée, malaise de la personne âgée, par exemple.
- L’ECG, comme les marqueurs biologiques, doit être répété, les électrodes précordiales étant laissées en place pour permettre la comparaison.

Introduction

Le diagnostic biologique de l’insuffisance coronarienne aiguë et en particulier de l’infarctus du myocarde (IDM) constitue un sujet actuellement débattu du fait de l’apparition récente de kits de dosage des troponines I et T. De nombreuses études ont démontré l’intérêt de ces dosages en terme de valeur prédictive positive d’IDM, de valeur prédictive négative permettant d’exclure le diagnostic d’IDM et de stratification du risque de survenue d’événement grave dans le mois suivant l’épisode douloureux thoracique. La place du dosage des CPK totales et, en particulier, de leur fraction CPK-MB semble diminuer du fait de leurs valeurs prédictives négative et positive inférieures à celles de la troponine.
Cependant, il faut noter que le diagnostic d’infarctus du myocarde.rudimentaire ou sans onde Q repose encore actuellement sur l’élévation des CPK et non sur celle de la troponine, mais la distinction entre syndrome de menace avec élévation de la troponine et infarctus rudimentaire semble floue, tant sur le plan pronostique que sur le plan thérapeutique.

Cinétique et faux positifs des marqueurs biologiques de l’infarctus du myocarde

Marqueurs Délai de début Délai du pic Délai de normalisation
Myoglobine 1-4 h 6-7 h 24 h
Troponine I 3-12 h 24 h 5-10 jours
CK-MB 3-12 h 24 h 2 à 3 jours

Il en résulte, en cas de douleur très récente, que les dosages de CPK et de troponine n’apportent aucun élément d’information. Les faux positifs des examens biologiques doivent être connus :

- rhabdomyolyses et traumatismes musculaires pour les CPK et la myoglobine ;
- insuffisance rénale pour la myoglobine.

Schéma décisionnel et commentaires

Le dosage de la troponine et l’ECG doivent être répétés en cas de doute sur l’heure de la douleur thoracique ou si un nouvel élément clinique apparaît.

Commentaires

(1) Les dosages enzymatiques n’ont pas d’intérêt diagnostique dans cette situation, mais seront réalisés dans le but d’évaluer la masse myocardique nécrosée et la date de la nécrose.
(2) Le diagnostic d’infarctus du myocarde est éliminé mais pas celui d’angor. Ces patients doivent bénéficier d’une consultation cardiologique rapide selon une conduite à tenir établie avec les cardiologues locaux.

(3) La troponine Ic peut être faiblement élevée dans l’angor instable, et elle est alors un indice de mauvais pronostic.

(4) La troponine Ic est très sensible et peut être élevée en dehors d’un infarctus myocardique : dans l’angor instable, dans la myocardite, dans les circonstances de mises en contrainte du myocarde comme le choc septique. Dans le contexte d’une douleur thoracique aiguë ou d’un OAP, l’interprétation d’un taux élevé est simple : il s’agit le plus souvent d’une nécrose myocardique.

Conclusion

Le but des dosages biologiques au cours des syndromes coronariens aigus est double :
- diagnostiquer avec la meilleure valeur prédictive positive et négative possible une nécrose myocardique car ces patients doivent impérativement bénéficier d’une prise en charge cardiologique qui améliore leur pronostic. Il est clairement établi que le tableau clinique et l’ECG, bien que possédant une forte spécificité, manquent de sensibilité et que le recours aux examens biologiques est indispensable ;
- confirmer, dans une population de patients dont le tableau clinique et électrocardiographique est peu évocateur de maladie coronarienne aiguë, l’absence de nécrose myocardique. Ces patients pouvant alors, pour certains, être pris en charge en ambulatoire.
Le dosage de la troponine Ic possédant la meilleure valeur prédictive négative et positive devrait donc être préféré aux autres marqueurs, sauf dans les premières heures où le dosage de la myoglobine garde toute sa place.

ATTENTION !

Les IDM non diagnostiqués représentent la cause la plus fréquente des procès intentés aux services d’Urgences aux États-Unis.
Les IDM de présentation atypique (douleur absente ou atypique, révélation par une complication) chez des sujets souvent âgés sont particulièrement fréquents aux Urgences, les tableaux typiques étant souvent directement admis dans les Unités de Soins Intensifs Coronariens.