Syndromes coronariens aigus

Rédaction : Ch. Santré, février 2002.

Définitions
Diagnostic biologique
Physiopathologie
Traitement

Définitions

On distingue désormais deux catégories de syndrome coronarien aigu :

Syndromes coronariens aigus avec surélévation du segment ST. Il s'agit de l'infarctus avec onde Q classique et onde de Pardee qui correspond généralement à une oblitération artérielle complète d'un gros vaisseau épicardique.
Syndromes coronariens aigus sans surélévation du segment ST, subdivisé en deux, angine de poitrine instable et infarctus sans onde Q. La présentation clinique de ces deux entités est la même. Il y a des signes de mort cellulaire dans l'infarctus sans onde Q (libération enzymatique ou de protéines de structure) alors qu'il n'en existe pas dans l'angor instable. Il est du reste vraisemblable que l'angine de poitrine instable procède d'un mécanisme physiopathologique différent de celui de l'infarctus sans onde Q, où l'activation des fonctions plaquettaires et de la cascade de coagulation jouent probablement un rôle secondaire et où les phénomènes vaso-actifs jouent probablement un rôle plus important.

 

Définitions des SCA d'après Christian W Hamm, Michel Bertrand, Eugene Braunwald. Lancet 2001

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Physiopathologie

Physiopathologie des syndromes coronariens aigus

Les syndromes coronariens aigus ont un mécanisme physiopathologique commun représenté par la rupture de plaque ou l'érosion de l'endothélium coronaire (moins fréquent que la rupture de plaque, plus fréquemment observé chez les femmes).

La rupture de plaque ou l'érosion endothéliale active les fonctions plaquettaires et la cascade de la coagulation aboutissant à la formation de thrombus plaquettaires et/ou fibrino-cruoriques capables de réduire de façon brutale la lumière du vaisseau ou de l'oblitérer complètement. Ces mécanismes expliquent la survenue de phénomènes ischémiques aigus dont la présentation clinique et l'intensité sont fonction du caractère complet ou incomplet, transitoire ou permanent de l'oblitération.

En outre, les thrombus formés au site de la rupture de plaque ou de l'érosion plaquettaire sont susceptibles d'emboliser dans le lit distal et créer des foyers de nécrose cellulaire, de taille variable, unique ou multiples, expliquant la libération enzymatique.

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Diagnostic biologique

Structure de la troponine et interaction avec les protéines contractiles

La présentation clinique et électrocardiographique de l'angine de poitrine instable et de l'infarctus non-Q est la même. C'est l'existence de libération enzymatique et/ou de protéines de structure qui les différencie.
Les marqueurs de nécrose cellulaire, CK, CK-MB, myoglobine et troponine, sont libérés selon un chronologie et une intensité variable dans l'infarctus non-Q (schéma de AH Wu).
La détection précoce de l'infarctus non-Q passe par le dosage de marqueurs à libération précoce comme la myoglobine.
En pratique, ce sont les CK et/ou CK-MB ainsi que la troponine T ou I qui sont le plus fréquemment dosés.
Il faut savoir que la détection de ces marqueurs est retardée par rapport au début clinique de 4 à 6 heures. Un dosage biologique négatif à l'admission ne permet pas d'éliminer la probabilité d'un syndrome coronarien aigu sans surélévation du segment ST. Il doit être répété dans un délai de 6 à 12 heures. Deux dosages négatifs permettent alors d'affirmer qu'il ne s'agit pas d'un syndrome coronarien aigu en cours d'évolution.
Cette notion est particulièrement importante puisqu'elle est à la base de la stratification du risque et de la prise en charge des patients. Les malades sans libération enzymatique ni de protéines de structure ont généralement un bon pronostic et peuvent être pris en charge en dehors des conditions d'urgence.
A l'inverse, les patients avec libération enzymatique ou de protéines de structure ont un pronostic sérieux et doivent être hospitalisés et soumis à une thérapeutique intensive orientée en fonction de la stratification du risque.

Cinétique des CPK et de la troponine dans les syndromes coronariens aigus

Patients à haut risque

Facteurs de haut risque selon les ACC/AHA Guidelines (USA) & la European Society of Cardiology Task Force Report (UE) Lancet 2001

Concentrations de troponine élevées
UE/USA
Ischémie récurrente (sous-décalage ST, sus-décalage ST transitoire)
UE/USA
Instabilité hémodynamique 
UE/USA
Arythmies Majeures (tachycardie ventriculaire, fibrillation)
UE/USA
Angor post-infarctus précoce
UE
Critères de gravité de l'épreuve d'effort non invasive
USA
Fonction ventriculaire gauche altérée (FE<0,40 %)
USA
ACP dans les 6 mois
USA
Antécédent de PAC
USA

ACP=angioplastie coronaire per-cutanée PAC=Pontage aorto-coronaire

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Traitement des SCA

Prise en charge des SCA d'après d'après Christian W Hamm, Michel Bertrand, Eugene Braunwald. Lancet 2001

Repos au lit absolu.

Traitement anticoagulant par héparine ou héparine de bas poids moléculaire :
L'héparine permet de réduire le risque évolutif des patients souffrant de syndromes coronariens aigus sans surélévation du segment ST. Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) se sont avérées aussi efficaces et mieux tolérées que les héparines classiques.
L'enoxaparine serait plus efficace que l'héparine non-fractionnée dans la réduction du risque (essais TIMI 11B et ESSENCE).

Antiplaquettaires

  1.  Aspirine. Ce médicament a été démontré efficace dans la réduction des événements secondaires chez les patients souffrant d'angine de poitrine instable. Sa prescription est obligatoire.
  2. La même démonstration a été administrée pour la ticlopidine (TICLID®) dans un essai clinique limité, mais surtout pour le clopidogrel (PLAVIX®) dans une étude de grande taille ayant incorporé plus de 12.000 patients. Ce médicament a permis de réduire de risque de décès, infarctus, récurrence de symptômes ou accident vasculaire cérébral de 22% à 6 mois. La réduction du risque est immédiate et intervient dès les premières heures suivant la prescription de PLAVIX®. Il devient donc un médicament obligatoire de la phase aiguë et chronique dans l'angine de poitrine instable et de l'infarctus sans onde Q.
  3. D'autres anti-plaquettaires ont été mis au point au cours des dernières années. Il s'agit dans tous les cas d'anti-plaquettaires bloquant la voie finale commune de l'agrégation, c'est à dire les récepteurs membranaires responsables de l'adhésion et de l'agrégation plaquettaire, récepteurs glycoprotéiques IIb/IIIa (anti GP IIb/IIIa).

Ces médicaments ne représentent pas une classe pharmacologique homogène bien qu'ayant tous virtuellement le même mécanisme d'action. Trois sont disponibles en utilisation courante :

Le plus anciennement utilisé est l'abciximab (RéoPro®) qui est un anticorps monoclonal dirigé contre les récepteurs plaquettaires.
L'eptifibatide est un peptide qui a la même propriété.
Le tirofiban (AGRASTAT®) est une molécule de petite taille dérivée de la tyrosine.

Ces médicaments ont en commun une très grande efficacité. Ils ne peuvent être utilisés que par voie veineuse et sur de courtes périodes de 24 à 72 heures.

Ils ont été démontrés efficaces :

Dans le traitement médical des syndromes coronariens aigus sans surélévation du segment ST en complément du traitement classique par aspirine, bêta-bloquants et héparine. La réduction du risque dans ces circonstances est de l'ordre de 30 %
En pré et per-traitement de l'angioplastie chez ces malades avec syndromes coronariens aigus. La réduction du risque est en moyenne de 45 % chez ces patients.
Ils ont également été démontrés efficaces (eptifibatide et tirofiban) chez les malades secondairement revascularisés et soumis préalablement à ce traitement (réduction du risque de l'ordre de 35 %).

A ce jour, il n'y a pas d'indication claire sauf pour le RéoPro® et l'AGRASTAT®, qu'un médicament soit plus efficace qu'un autre dans ces indications. Toutefois, l'abciximab (RéoPro®) a été démontré plus efficace que le tirofiban (AGRASTAT®) pour réduire le risque des malades soumis à angioplastie avec mise en place de prothèse endovasculaire dans un essai récent (TARGET).

Anti-angineux majeurs :

Bêta-bloquants
Calcium-bloquants sont indiqués en cas de résistance en traitement initial avec bêta-bloquants, en association avec eux.
Trinitrine par voie veineuse

Revascularisation

Jusqu'à une époque très récente, l'utilité de la revascularisation urgente ou rapide chez les patients souffrant de ce type de pathologie n'avait pas été démontrée. On sait désormais grâce à deux essais randomisés contrôlés (FRISC II et TACTICS) que l'angiographie systématique et la revascularisation par angioplastie ou revascularisation chirurgicale améliore de façon très significative le pronostic de ces patients.

L'attitude conservatrice classique qui consistait autrefois à traiter médicalement ces patients et ne les soumettre à revascularisation qu'en cas de récidive des symptômes ou démonstration d'une ischémie résiduelle est désormais abandonnée. La revascularisation systématique permet de réduire le risque décès plus infarctus de l'ordre de 30 % à 6 mois.

Dans le plus récent de ces essais (TACTICS) il a été en outre démontré que l'utilisation systématique d'anti GP IIb/IIIa (tirofiban) avant la revascularisation permettait de réduire la fréquence des complications liées à la revascularisation.

Désormais, la prise en charge optimale à la phase aiguë de ce type de pathologie comporte :

Aspirine
Clopidogrel
Anti GP IIb/IIIa (l'association clopidogrel-GP IIb/IIIa n'a jamais été testée. Il est possible que les deux groupes de médicaments aient des effets additifs)
Bêta bloquants
Héparine ou héparine de bas poids moléculaire
Revascularisation myocardique

Statines

Les statines, jusqu'à une époque récente, ne faisaient pas partie du traitement de la phase aiguë. Elles étaient administrées à distance de la phase aiguë à titre de prévention des récidives secondaires chez les patients avec hypercholestérolémie démontrée.

En fait, les données de registre démontrent clairement qu'une réduction très significative du risque à long terme peut être obtenue par la prescription systématique précoce de statines (RISK-HIA, registre suédois). La réduction à long terme du risque de récidive + infarctus serait de l'ordre de 60 % avec administration précoce des statines.

Ces médicaments font donc désormais partie du traitement à la phase initiale des syndromes coronariens aigus sans surélévation du segment ST.

Indications thérapeutiques schématiques.

Compte tenu de ce qui précède, les indications thérapeutiques dans l'angine de poitrine instable et l'infarctus non-Q sont désormais très claires :

1. Risque élevé, thérapeutique maximale décrite précédemment et revascularisation

Le point qui demeure discuté actuellement est la précocité de la revascularisation par rapport au début des symptômes. Deux attitudes s'affrontent :

Coronarographie immédiate dès l'admission et revascularisation sous anti GP IIb/IIIa.
Cette attitude n'est concevable que dans des centres disposant d'une grande souplesse d'utilisation des salles de cathétérisme et d'angioplastie
Pré-traitement par anti GP IIb/IIIa et revascularisation différée dans un délai de 24 à 48 heures (attitude démontrée dans l'étude TACTICS). Cette situation est plus adaptée à la situation dans notre pays où 80 % des patients sont hospitalisés initialement dans des hôpitaux ne disposant pas de salles de cathétérisme et de possibilité de revascularisation. Il est donc concevable qu'ils soient soumis au traitement maximal incluant anti GP IIb/IIIa puis secondairement transférés pour revascularisation.

2. Risque faible, attitude conservatrice. Démonstration de l'ischémie, coronarographie si on le juge utile, revascularisation, sans caractère d'urgence si elle se trouve indiquée

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Pour en savoir plus :

Christian W Hamm, Michel Bertrand, Eugene Braunwald. Acute coronary syndrome without ST elevation: implementation of new guidelines. Lancet 2001; 358: 1533-38. 
Les syndromes coronariens aigus par JP Bassand.

 

Les nouveaux facteurs de risque athéromateux Dr Jean Jacques MONSUEZ (Hopital Paul Brousse; Villejuif). Rédaction : 14/01/2002
Aux facteurs de risque conventionnels se sur-ajoutent maintenant le HDL-Cholestérol, les triglycérides, la Lp(a), l’homocystéine, la protéine C réactive, le Fibrinogène, le facteur VII, le tPa, le PAI-1, la pression pulsé, l’épaisseur intima-média, la présence d’athérothrombose ou de calcification en imagerie non invasive.
Le risque vasculaire est inversement proportionnel au HDL et proportionnel au LDL ; mais plus précisément défini par la conjonction des deux. Il faut rappeler que 30% des patients cardiovasculaires ont un LDL-cholestérol normale et que parallèlement 30% on un HDL-cholestérol bas. Le risque cardio-vasculaire est multiplié par deux s’il est inférieur à 0.44 g/l et divisé par deux ou trois s’il est supérieur à 0.65 g/l.
L’homocystéinémie, acide aminé soufré, présent sous forme libre (30%) ou lié à l’albumine (70%) dans le plasma, y est dosé par mesure des deux fractions avec une normale comprise entre 10 et 15 µmol/l. Ce chiffre peut être plus élevé en fonction de variations génétiques, de l’existence d’une insuffisance rénale ou d’une infection à H. pylori (par malabsorption des folates), d’une hypothyroïdie, d’un diabète ou d’un tabagisme, de la consommation d’alcool, de café, de thé ainsi que la prise de certains médicaments (anticoagulants, anabolisants, le raloxifène, les antifoliques, la théophylline, les fibrates). Le risque cardio-vasculaire est augmenté lorsque l’homocystéine est plus élevée. La supplémentation en folates pourrait offrir de nouvelles perspectives thérapeutiques, en améliorant leur fonction endothéliale.
La CRP ultra-sensible est un facteur prédictif très fort de survenue d’un accident vasculaire cérébral ou coronaire. Son élévation est proportionnelle au nombre de plaque observée par l’imagerie non invasive sur l’aorte. Une réduction de la CRP peut être obtenue par l’administration de statines et l’on sait que les statines ont les meilleurs résultats chez les sujets à CRP élevée.
Les nouvelles techniques d’IRM en contraste T2 permettent une caractérisation des plaques (chape stable, cœur lipidique). On peut ainsi sur un même vaisseau distinguer une plaque stable et une autre instable. La comparaison chez l’homme avec l’histologie a permis de définir une sensibilité de 89% et une spécificité de 96% de l’IRM dans la détection des ruptures de la chappe fibreuse. La thrombose peut être également documentée en T1 et l’on est en attente des résultats d’une nouvelle étude prospective de patients de Framingham.
L’épaisseur de l’intima-média, assure un dépistage simple, sans danger, non invasif, peu coûteux, précis et reproductible. Ses limites tiennent actuellement à l’absence de standardisation (lieu de mesures différents selon les équipes et les pays). La valeur à partir de laquelle apparaît le risque n’est pas encore connue. C’est encore un outils de recherche pour dépister le haut risque ou faire passer un patient à bas risque dans une catégorie à haut risque. Son rôle pour quantifier la prévention reste incertain.

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