Document extrait de la Conférence de Consensus sur les Infections Urinaires Nosocomiales
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Médecine et Maladies Infectieuses .Définitions | Diagnostic | Traitement | Prévention |
Le texte court au format PDF (Conférence de Consensus SPILF AFU Novembre 2002) |
L’arbre urinaire est normalement stérile à l’exception de la partie distale de l’urètre. Une colonisation correspond à la présence d’un (ou de plusieurs) micro-organisme dans l’arbre urinaire sans qu’il ne génère par lui- même de manifestations cliniques. Le concept de bactériurie asymptomatique est indissociable de celui de colonisation et correspond à la même entité sans le rattacher à une notion de seuil (ufc/ml). Le terme de colonisation est préférable à celui de bactériurie asymptomatique.
Une infection urinaire correspond à l’agression d’un tissu par un (ou plusieurs) micro-organisme, générant une réponse inflammatoire et des signes et symptômes de nature et d’intensité variables selon le terrain. Elle associe :
![]() | au moins un des signes suivants : fièvre (> 38°C), impériosité mictionnelle, pollakiurie, brûlures mictionnelles ou douleur sus-pubienne, en l’absence d’autre cause infectieuse ou non, |
![]() | à une uro-culture positive. La pertinence des données cliniques et biologiques est à apprécier en fonction des différentes situations. |
Une infection urinaire est dite nosocomiale lorsqu’elle est
acquise dans une structure de soins (sans exclusive) ou d’une manière plus
générale reliée à la prise en charge du patient. L’origine des bactéries
nosocomiales est endogène (flore du patient) dans les deux tiers des cas.
Les mêmes concepts s’appliquent à la colonisation.
La ponction sus-pubienne fournit les prélèvements les plus représentatifs de l’urine intra- vésicale. D’autres méthodes de prélèvement (prélèvement dit à la volée en milieu de jet, par ponction directe de l’opercule spécifique de la sonde urinaire, recueil par sondage urinaire chez les femmes incontinentes, chez les hommes par étuis péniens), moins invasives et adaptées aux différentes situations cliniques, sont utilisables avec un niveau de fiabilité acceptable. Pour ces dernières, les conditions de prélèvement peuvent influer sur le niveau de contamination du prélèvement (nécessité d’une toilette convenable des organes génitaux externes en l’absence de sonde, désinfection de l’opercule de la sonde). Des conditions adéquates de transport et de conservation sont encore plus importantes à respecter (rapidité : moins de 2 heures à température ambiante) si l’on veut éviter une contamination gênante pour l’interprétation de l’ECBU. La conservation des urines à 4°C pendant 24 heures est une alternative sans influence sur la bactériurie.
La limite de quantification des bactéries et des levures
urinaires par la méthode usuelle est égale à 10 3
ufc/ml. En conséquence, une bactériurie ou une
candidurie est à prendre en considération si elle est ³
10 3 ufc/ml sous respect strict des conditions de prélèvement, de
transport et d’analyse des urines.
Le terme qualitatif de pyurie, du fait de son imprécision, doit être
abandonné au profit d’une mesure quantitative des
leucocytes (leucocyturie).
La leucocyturie (quantification des leucocytes urinaires à la cellule après homogénéisation
des urines) n’a pas d’intérêt chez le patient sondé (D – II).
Chez un patient symptomatique sans sonde, l’association d’une bactériurie
³ 10 3 ufc/ml
à une leucocyturie ³ 10 4 /ml est fortement évocatrice d’une
infection (A – II).
L’intérêt essentiel du dépistage par les bandelettes urinaires réside dans sa possibilité de réalisation au lit du malade et dans sa valeur prédictive négative (VPN). La bandelette urinaire ne peut pas être utilisée pour le dépistage d’une bactériurie chez un patient porteur de sonde (E – II).µL’utilisation de la bandelette chez le sujet âgé non sondé est une méthode fiable sous réserve du respect des conditions d’utilisation de la bandelette (B – II).
3.1.1. La colonisation urinaire n’est pas l’indication d’un traitement systématique par les antibiotiques, que le patient soit sondé ou non, diabétique, âgé ou ayant une vessie neurologique (A - I).
Cependant le traitement d’une colonisation urinaire pourrait être justifié dans certains cas particuliers :
![]() | sujets chez lesquels la colonisation urinaire est un facteur de risque de morbi-mortalité : neutropéniques, immunodéprimés et femmes enceintes (A - II). |
![]() | patients en situation pré-opératoire : chirurgie et explorations urologiques, mise en place de prothèses (A - II). |
![]() | patients porteurs d’une prothèse articulaire, vasculaire ou cardiaque lors de manoeuvres invasives (C - III). |
![]() | épidémie à bactérie multirésistante dans une unité hospitalière, en concertation avec le CLIN (B). |
3.1.2. Toutes les IUN bactériennes justifient un traitement, que les sujets soient porteurs ou non d’une sonde urinaire (A).
3.2.1. La levée d’un obstacle et la lutte contre un résidu vésical sont deux éléments essentiels dans la prise en charge thérapeutique (A - III).
3.2.2. Le choix raisonné de l’antibiothérapie repose sur la nature du (ou des) micro-organisme(s) et de sa (ou leur) sensibilité aux antibiotiques (A - II).
Les infections urinaires mettent rarement en jeu le pronostic
vital (A - II).
En l’absence de signe de gravité et d’un terrain particulier, la mise en
oeuvre de l’antibiothérapie doit être différée et
reposer sur les données de l’antibiogramme (B).
En cas d’infection parenchymateuse sévère (pyélonéphrite, prostatite,
orchi-épididymite), le traitement empirique immédiat
repose sur les données de l’examen direct et la connaissance de
l’écologie locale. Ce traitement doit être systématiquement réévalué
dès l’obtention de l’antibiogramme. Il faut choisir
un antibiotique au spectre le plus étroit possible, ne favorisant pas
la sélection de bactéries résistantes (A - III).
Les associations d’antibiotiques doivent être réservées au traitement des
infections urinaires ayant des signes de gravité (choc
septique) ou dues à certaines bactéries (Pseudomonas aeruginosa,
Serratia marcescens ou Acinetobacter baumanii).
Cette bithérapie doit être limitée à la période initiale la plus à risque
(A – III).
Les aminopénicillines sont actives sur la majorité des entérocoques en
France.
Les uréïdopénicillines sans addition d’inhibiteurs de bêta- lactamases
sont régulièrement actives sur les entérocoques. Lorsqu’elles
sont actives sur les entérobactéries et P. aeruginosa
(en fonction de l’antibiogramme), elles sont
recommandées.
Les fluoroquinolones ne sont pas actives sur les entérocoques. Malgré leur
efficacité sur les bactéries à Gram négatif
rencontrées dans les IUN, leur utilisation doit être raisonnée afin de contrôler
l’émergence de résistances.
Les céphalosporines à large spectre et l’association d’une
uréidopénicilline à un inhibiteur de béta-lactamases
doivent être systématiquement testées conjointement à la ceftazidime et à l’aztréonam
sur P. aeruginosa, pour proposer des alternatives aux carbapénèmes dont
la pression de sélection est significative.
3.2.3. La durée du traitement est fonction du site de l’infection. Les infections urinaires sans atteinte parenchymateuse, avec ou sans sonde urinaire, bénéficient d’un traitement court (inférieur ou égale à 7 jours). La pyélonéphrite ou l’orchi-épididymite relève d’une traitement de 10 à 14 jours. La prostatite aiguë doit être traitée au moins 3 semaines (A – II).
3.2.4. Une diurèse quotidienne d’1,5 litre doit être assurée. Il n’y a pas d’intérêt à obtenir une hyperdiurèse (E – II).
3.2.5. Il faut retirer la sonde urinaire ou la changer lorsque le drainage est indispensable.
Dans le cas des vessies neurologiques et/ou distendues, le
sondage intermittent est supérieur au sondage permanent
(A – II).
Le moment du retrait ou du changement de la sonde par rapport à l’initiation
de l’antibiothérapie est controversé (C – III).
L’irrigation - lavage dans le traitement de l’infection urinaire chez le
patient sondé ou non doit être proscrite (E – I).
3.2.6. Candiduries nosocomiales (A – I)
Il n’y a pas d’indication de traitement antifongique
systématique des colonisations à Candida sp.
Dans les infections à Candida sp ou chez un patient à risque :
neutropénique, transplanté rénal, mise en place d’une
prothèse endovasculaire ou ostéo-articulaire, chirurgie urologique, le
remplacement ou l’ablation de la sonde est requis. Toute antibiothérapie
antibactérienne doit être interrompue si elle n’est
pas indispensable. Chez le malade de réanimation
présentant plusieurs sites colonisés, la candidurie peut être un marqueur
de candidose disséminée.
Les indications et la durée du sondage vésical à demeure
doivent être limitées au maximum et reconsidérées
chaque jour (A - II).
Lorsque des patients sondés sont infectés ou colonisés, leur isolement
géographique est recommandé (A - II).
L'efficacité d'un programme de surveillance épidémiologique et de prévention
des infections est démontré (B - II).
La désinfection des mains par friction hydroalcoolique est fortement
préconisée (A - II).
Il est recommandé de promouvoir la désinfection des mains par un programme de
formation continue (A - II).
Le port permanent de gants non stériles sans changement entre les malades est
à proscrire (E - II).
Le principe du système clos doit être impérativement mis en
place (A - II).
La pose de la sonde à demeure doit être réalisée avec asepsie (désinfection
des mains, gants stériles, matériels stériles) (C -
III).
La toilette quotidienne doit être réalisée avec un savon doux médical (B -
II).
Le sac de recueil des urines doit être maintenu en position déclive (B - III).
Le changement routinier et programmé de la sonde n'est pas préconisé (D -
III).
Le lavage–irrigation (hors manoeuvre urologique) n'est pas préconisé (E -
II).
Les cathéters enduits d'antibiotiques (minocycline-rifampicine) n'ont pas fait
la preuve de leur efficacité (E - I).
Les cathéters imprégnés d'argent n'ont pas fait la preuve de leur efficacité
(D - III).
Il n'est pas nécessaire d’instiller des antiseptiques dans les sacs de
recueil des urines (D - III).
L’adjonction d’un "antimicrobien" au lubrifiant pour l’insertion
de la sonde n’a pas d’intérêt (D - III).
Le cathéter sus-pubien en alternative au sondage à demeure
au long court n'a pas montré sa supériorité (D - III).
L'étui pénien en alternative au sondage à demeure est préférable lorsque il
est médicalement possible (B - III).
Le sondage intermittent en alternative au sondage à demeure est préférable (C
- III).
L'échographie sus-pubienne est préférable au sondage pour mesurer le résidu
vésical (B - III).
Il existe très peu de travaux scientifiques spécifiques à
la prévention des IUN en gériatrie, la plupart des
recommandations étant des avis d'experts. Il faut
promouvoir la rééducation comportementale chez la personne âgée (B - III).
Chez la personne âgée le sondage intermittent en alternative au sondage à
demeure est préférable quand il est possible (B - III).
L’adaptation du mode mictionnel est un élément essentiel
(A - II).
L’autosondage propre doit être préféré à la méthode de l’hétérosondage
(B - II).
Les sondes auto ou prélubrifiées peuvent être utilisées pour l'autosondage
(B - III).
La désinfection du méat avant l'autosondage n'est pas nécessaire (D - III).
L'antibioprophylaxie sous autosondage n'est pas recommandée (E - II).
Le jus de canneberge est susceptible de prévenir les infections urinaires chez
le patient neurologique (C - III).
L'acide ascorbique est susceptible de prévenir les infections urinaires chez le
patient neurologique (C - III).
L’adjonction d’un "antimicrobien" au lubrifiant pour l’insertion
de la sonde n’a pas d’intérêt (D - III).
Le cathéter sus pubien peut être une alternative à la sonde à demeure chez
le traumatisé médullaire avec vessie neurologique (B -
II).
Le sondage intermittent doit être préféré à la sonde à demeure chez les
patients avec une vessie neurologique (B - II).
L’inoculation intravésicale d'E. coli non pathogène est en cours
d'évaluation dans la prévention des colonisations
urinaires chez les patients avec une vessie neurologique.
Le sondage à demeure pour césarienne n'est pas recommandé
(D - III).
Le sondage intermittent est préférable à la sonde à demeure en
postopératoire en chirurgie orthopédique prothétique (B - II).
Le cathéter sus-pubien en post opératoire immédiat (en dehors de la chirurgie
urologique) est préférable à la sonde à demeure de
courte durée (B - II).
Une antibioprophylaxie n'est pas préconisée pour la cystoscopie à visée
diagnostique isolée (E - I).
Il est nécessaire de dépister et traiter les colonisations urinaires
préalablement à un acte diagnostique du bas appareil
urinaire (A - II).
Une antibioprophylaxie est nécessaire pour la résection endoscopique de
prostate (A - I).
Il est nécessaire de dépister et traiter les colonisations urinaires avant
l'ablation d’une sonde double J (JJ), (A - III).
L’intérêt de l'antibioprophylaxie en cas d'ablation d’une sonde en double
J (JJ) n’est pas établi (C - III).
L'antibioprophylaxie est nécessaire en cas de biopsie de prostate (A - II).
L'antibioprophylaxie ne doit pas être prescrite en cas de lithotritie
endocorporelle à urines stériles (D - II).