Stratégie des examens du polytraumatisé
Conférences d'actualisation SFAR 1998

F Lenfant 1, D Honnart 2, M Coudert 3, M Freysz 1
1 Département d'anesthésie-réanimation, samu 21, 2 service régional d'accueil des urgences,
3 service d'imagerie médicale,

centre hospitalier universitaire, hôpital Général,
3, rue du Faubourg-Raines, 21033 Dijon cedex

POINTS ESSENTIELS

· Les lésions du polytraumatisé se potentialisent, expliquant le dilemme : obtenir un bilan lésionnel précis et complet tout en évitant de retarder les traitements étiologiques.
· L'orientation préhospitalière du polytraumatisé doit tenir compte de la réponse à la réanimation initiée sur le terrain : un patient instable est à orienter vers l'hôpital le plus proche si l'on suspecte une hémorragie intrapéritonéale.
· Le bilan initial d'un patient avec un état hémodynamique instable doit être réduit au minimum : groupage sanguin, radiographie pulmonaire, échographie abdominale et éventuellement radiographie du bassin.
· Le bilan sera systématiquement complété une fois la stabilisation obtenue, avec une nécessaire continuité de la chaîne de prise en charge.
· L'attention se portera tout particulièrement sur la recherche de lésions à potentiel évolutif rapide, susceptibles d'entraîner une défaillance vitale : pneumothorax, rupture aortique, hémorragies intra- et rétropéritonéales.
· Le patient comateux stabilisé avec un signe de localisation doit bénéficier en urgence d'une scanographie crânienne ; l'anesthésie générale ou la sédation justifie une tomodensitométrie cérébrale mais qui peut être différée.
· Tout patient présentant un trouble de conscience est, jusqu'à preuve du contraire, suspect d'une lésion rachidienne, particulièrement cervicale.
· La précision et la rapidité du diagnostic obtenu par la tomodensitométrie en font un pivot de l'exploration du blessé stabilisé.
· La hiérarchisation des examens et des soins pluridisciplinaires nécessite une procédure écrite avec désignation d'un médecin coordinateur qui sera le plus souvent l'anesthésiste-réanimateur.

Le polytraumatisé est un blessé grave atteint de plusieurs lésions, dont une au moins met en jeu le pronostic vital à court terme. Le bilan clinique des lésions et la réanimation de ces patients débutent sur les lieux de l'accident et sont poursuivis pendant le transport médicalisé par un moyen Smur. À l'accueil des urgences, deux objectifs contradictoires sont à mettre en balance : obtenir un bilan lésionnel précis et complet tout en évitant de retarder les interventions thérapeutiques.

La qualité de la prise en charge initiale est essentielle pour éviter les décès post-traumatiques précoces. Une étude récente confirme que la principale erreur concerne la prise en charge de l'hypovolémie et le diagnostic d'hémopéritoine, suivie par la méconnaissance d'une lésion thoracique (pneumothorax) [1] . Plus de la moitié des décès post-traumatiques évitables sont liés à des erreurs dans la stratégie de prise en charge, au défaut d'organisation et à l'inexpérience de la structure d'accueil initiale [1] [2] . Dans les séries autopsiques, des lésions traumatiques de la colonne cervicale sont trouvées dans plus d'un cas sur cinq [3] . Enfin, la perforation d'un organe creux peut passer inaperçue.

Quel que soit le choix thérapeutique, traitement des lésions en un temps ou interventions différées pour celles non vitales, il est indispensable de faire un inventaire exhaustif. Cet inventaire est cependant parfois réduit au minimum devant une instabilité hémodynamique majeure qui doit conduire à des décisions thérapeutiques rapides. Dans tous les cas, les résultats des examens cliniques et paracliniques sont consignés par écrit et suivent le patient tout au long de son hospitalisation.

L'examen clinique complet est indispensable, d'une part pour évaluer les détresses vitales éventuelles, d'autre part pour orienter les examens d'imagerie qui sont au centre du bilan lésionnel. Cet examen clinique doit être mené méthodiquement mais rapidement, couplé aux mesures de réanimation volémique et respiratoire nécessaires. Un coma doit systématiquement faire suspecter une lésion rachidienne potentiellement instable. Les circonstances et le type de l'accident (décélération, impact), la position initiale de la victime peuvent orienter vers certains diagnostics [4] [5] . L'examen neurologique central se doit d'être rapide, fiable et reproductible et doit être réévalué après réanimation initiale [6] . La présence de signes de localisation oriente vers une urgence neurochirurgicale. De la même manière, la présence d'une para- ou tétraplégie (importance du toucher rectal) doit faire redouter une lésion médullaire. Dans un souci de clarté, les avantages et inconvénients des différents examens envisageables sont exposés dans une première partie, suivis de la stratégie globale.

QUELS SONT LES EXAMENS DISPONIBLES ET QU'EN ATTENDRE ?

Les examens permettant de réaliser le bilan lésionnel du traumatisé grave sont dominés par l'imagerie. La biologie, l'ECG, l'endoscopie sont beaucoup moins contributifs. La ponction-lavage du péritoine garde une place à part, mais reste très usitée dans les pays anglo-saxons.

Les différents examens seront dans un premier temps passés en revue en ciblant les questions auxquelles ils peuvent répondre et les problèmes qu'ils ne peuvent résoudre.

Radiologie standard
Le bilan radiologique conventionnel du polytraumatisé comporte des clichés systématiques complétés par des radiographies osseuses demandées en fonction des données cliniques.

Thorax
La radiographie pulmonaire de face reste un élément clé du bilan conventionnel, avec comme objectif, la recherche d'un épanchement pleural compressif. Des critères de qualité doivent être respectés : cliché de face stricte, en inspiration, exposant les sommets et les culs-de-sac ; la mise en place préalable d'une sonde gastrique permet une meilleure étude du médiastin [7] . La lecture doit être systématisée et l'interprétation souhaitable en raison des nombreux pièges [8] . L'exploration conventionnelle complète du thorax comprend deux clichés de face (en haute et basse tension), un de profil (parfois difficile à réaliser en urgence) et un gril costal ; elle doit surtout tenir compte de l'accessibilité et de la disponibilité du scanner. Le cliché de face peut être répété pour suivre l'évolution et contrôler la position d'un drain ou d'un cathéter.

L'objectif de la radiographie du thorax est de mettre en évidence des diagnostics impliquant des mesures urgentes :

- un pneumothorax (avec cependant des limites pour ceux en situation antérieure) ou un hémothorax ;

- des lésions pulmonaires, souvent sous-estimées : une radiographie peut rester normale alors que la contusion touche le tiers du parenchyme, invitant alors à redoubler de prudence dans le remplissage vasculaire ;

- des signes évocateurs de rupture aortique [9] : élargissement du médiastin > 8 cm (difficile à affirmer en décubitus dorsal), hémothorax gauche (peu sensible), coiffe apicale (hématome extrapleural), effacement du bouton aortique, abaissement de la bronche souche gauche, disparition de la fenêtre aortico-pulmonaire, élargissement de la bande paratrachéale, déviation à droite de la sonde oesophagienne, élargissement de la ligne médiastinale paraspinale.

Elle peut aussi révéler un emphysème sous-cutané, des fractures (sternum et côtes) mais avec un mauvais rendement, une rupture diaphragmatique, avec des difficultés en cas d'hémothorax ou de contusion associée.

Crâne et face
Les radiographies standard comportent quatre incidences : une face, deux profils et une incidence de Worms. L'incidence de Waters et le défilé maxillaire étudient le massif facial et la mandibule. L'incidence de Hirz étudiant la base du crâne doit être proscrite du fait du risque d'aggravation d'une lésion du rachis cervical. L'interprétation est délicate et expose à de fréquentes erreurs de diagnostic. Ces clichés recherchent essentiellement une fracture de la voûte.

Le polytraumatisé appartient au groupe II de la classification de Masters des traumatisés crâniens [10] : la radiographie n'apporte pas d'élément prédictif suffisant des lésions intracérébrales, et la tomodensitométrie est dans ce cas très supérieure. De même, les lésions du massif facial peuvent être explorées par scanographie.

Rachis
L'exploration conventionnelle du rachis comporte des clichés de face et de profil du rachis cervical, dorsal et lombaire, dégageant particulièrement la jonction C7-T1 ; un cliché bouche ouverte explore l'odontoïde. Des clichés de trois quarts peuvent être nécessaires.

Ce bilan est systématique pour tout patient traumatisé, dont le score de Glasgow est inférieur ou égal à 8, chez qui l'examen clinique est rendu difficile [3] [11] [12] [13] [14] . Le recours à la tomodensitométrie ne résout pas tous les problèmes, car il n'est pas possible d'explorer l'ensemble des vertèbres du fait du nombre de coupes nécessaires qui atteignent les contraintes thermiques du tube.

Abdomen sans préparation
L'abdomen sans préparation (ASP) comporte un cliché de face et un profil à rayon horizontal chez un patient couché. Il peut montrer des signes indirects d'hémopéritoine ou de lésions rétropéritonéales et peut révéler un pneumopéritoine, souvent mieux vu en décubitus latéral gauche. En fait, cette position est souvent contre-indiquée par l'état hémodynamique et les lésions associées. De fait, la sensibilité de cet examen est très inférieure à celle de l'échographie pour l'épanchement intrapéritonéal et à celle de la scanographie pour le pneumopéritoine : certains préconisent donc son abandon pur et simple dans cette indication [15] .

Bassin
Le cliché de face du bassin met en évidence les fractures pelviennes qui, associées à une instabilité hémodynamique, doivent orienter vers un plateau de radiologie interventionnelle. La présence d'une fracture ilio- ou ischiopubienne ou d'une disjonction pubienne contre-indique le sondage urétral chez l'homme.

Tomodensitométrie
L'évolution technologique a considérablement étendu les indications de la tomodensitométrie (TDM) en urgence. L'acquisition en mode spiralé est rapide avec des possibilités de reconstruction en trois dimensions et d'angioscanographie [16] ; celles-ci ont cependant l'inconvénient respectif d'allonger le temps d'examen et de nécessiter l'administration de produits iodés, sources d'insuffisance rénale ou de réactions allergiques. La mesure des densités pourrait permettre de préciser la nature d'un épanchement [17] . L'interprétation en temps réel est indispensable. Chez le patient agité, il est nécessaire de recourir à une sédation, sous peine d'artefacts rendant l'interprétation aléatoire ; la surveillance doit être maintenue pendant l'examen. L'installation peut être longue, mais guère plus que sur une table radiologique conventionnelle.

Les textes réglementaires imposent de pouvoir disposer d'un scanner H24 pour assurer une activité d'accueil et de traitement des urgences (Circulaire DGS/DH 97-10, Décret 95-648 sur les Sau). Le coût reste très compétitif, autour de 1 000 FF [18] .

Thorax
L'acquisition se fait en technique hélicoïdale, sans, puis avec injection de produit de contraste, par coupes jointives de 10 mm ; le blessé se trouve en décubitus dorsal bras tendus, levés derrière la tête (ou à défaut le long du corps mais avec un risque d'artefacts) ; un topogramme permet de sélectionner les plans de coupe. L'étude se fait en double fenêtre.

La TDM précise les données du cliché standard :

- lésions pariétales : 50 % des lésions pariétales sont en effet méconnues sur cliché standard [17] ; cependant, le diagnostic d'un volet thoracique ou de fracture de côte reste surtout clinique [19] ;

- épanchements pleuraux : on obtient une meilleure visualisation des pneumothorax antérieurs qui peuvent passer inaperçus sur un cliché conventionnel (25 %) [20] ; l'hémothorax, même modéré, est bien mis en évidence ;

- contusion pulmonaire : elle est souvent beaucoup plus étendue qu'il n'y paraît sur le cliché simple ;

- position des drains thoraciques éventuels et contrôle de leur efficacité ;

- pneumomédiastin : dont la localisation peut orienter vers une rupture trachéobronchique ou oesophagienne [17] [19] ;

- hémomédiastin : il doit faire suspecter la rupture sous-adventitielle de l'aorte : la TDM permet de différencier l'hémomédiastin antérieur sur fracture sternale et l'hémomédiastin postérieur sur fracture du rachis ; la visualisation du faux anévrisme et d'une hypodensité linéaire dans la lumière aortique signe la rupture dès l'acquisition en coupes axiales [21] [22] ;

- lésions cardiopéricardiques : elles sont difficiles à mettre en évidence.

Au total, la TDM thoracique permet d'éliminer un pneumothorax minime, source de décompensation sous ventilation, et de rechercher une rupture des gros vaisseaux devant un élargissement médiastinal ou même la simple notion de décélération brutale : l'absence d'hémomédiastin évite les angiographies inutiles [23] . Moins de 20 % des patients ayant des signes de rupture aortique sur un cliché standard ont une angiographie confirmative [24] .

Crâne
La scanographie sans injection est l'examen-clé de tout traumatisme crânien en urgence, a fortiori s'il est grave [25] ; il comporte un topogramme de profil, des coupes fines de 3 à 5 mm en fosse postérieure et de 7 à 10 mm en sus-tentoriel, jusqu'au vertex. L'étude se fait en fenêtres osseuse et parenchymateuse. Des coupes coronales complètent l'exploration en cas de lésions du massif facial.

Il visualise les différents types de lésions cérébrales :

- lésions osseuses : fractures de la voûte, embarrures, fractures de la base avec brèche ostéoméningée, pneumo-encéphalie ;
- hématome extradural (HED) : parfois en regard d'une fracture de la voûte ; les petits HED sans effet de masse ne sont pas évacués ;
- hématome sous-dural (HSD) à effet de masse important, en partie lié à l'attrition cérébrale sous-jacente ;
- hémorragie méningée : diffuse ou ventriculaire avec risque d'hydrocéphalie secondaire ;
- contusions, hématomes intracérébraux, oedème avec effacement des citernes de la base, engagements ;
- les lésions axonales diffuses sont cependant peu visibles en TDM.

La scanographie va donc permettre :
a) la mise en évidence d'une lésion neurochirurgicale urgente, type HED ou certains HSD ;
b) la mise en évidence de l'hypertension intracrânienne (HTIC) pour guider la thérapeutique, aider à poser l'indication de monitorage de la pression intracrânienne ; un scanner sans lésion compressive invite à instaurer une fenêtre de sédation, la présence de lésions avec effet de masse contre-indique la levée de la sédation ; c) l'établissement du score de la Traumatic Coma Data Bank, permettant une approche pronostique du traumatisme crânien.

Rachis
L'acquisition se fait en contraste spontané, coupes fines et reconstruction. Des topogrammes numérisés peuvent être réalisés dans le cadre d'une scanographie intégrale et se voir complétés par des coupes sur les zones douteuses [26] . La scanographie systématique de la charnière cervico-occipitale révèle 18 % de lésions chez le traumatisé crânien grave dont la moitié sont méconnues sur les clichés standard.

La TDM met en évidence les esquilles intracanalaires, les hernies discales, les dislocations ; elle peut méconnaître une fracture de la base de l'odontoïde et ne visualise pas la moelle.

Abdomen et bassin
L'examen se fait sans injection au départ pour repérer un saignement au niveau abdominal supérieur, puis avec injection iodée, couplée ou non à une opacification digestive ; les coupes jointives de 10 mm vont des coupoles à la symphyse [24] [27] . L'examen précise les lésions osseuses du bassin, sacrum en particulier, et peut étudier la vessie opacifiée sur des coupes tardives. L'examen peut être répété, mais le suivi échographique est préférable car moins lourd.

La TDM permet d'affirmer l'hémopéritoine. Contrairement à l'échographie, elle visualise le pneumopéritoine, stigmate de lésion d'un organe creux. Elle permet enfin de préciser les lésions d'organes : fracture, hématome sous-capsulaire ou contusion de la rate (le plus fréquent), du foie (le plus grave), les lésions du pancréas. Il permet d'effectuer le bilan morphologique et fonctionnel du rein. Le traitement et le pronostic des traumatismes spléniques, hépatiques et rénaux dépendent de leur stade de classification scanographique [28] [29] [30] . Une scanographie normale n'élimine cependant pas une lésion intestinale [31] . Elle peut aussi objectiver l'hématome rétropéritonéal, évitant une laparotomie inutile et dangereuse devant un choc hypovolémique. La rupture de diaphragme, qui siège à gauche dans la plupart des cas, peut passer inaperçue chez le patient ventilé ; l'opacification digestive et la reconstruction multiplanaire peuvent affirmer le diagnostic.

Scanographie intégrale
Il s'agit d'une technique de développement récent qui va entraîner un changement important dans les indications des examens d'imagerie [32] [33] . Elle nécessite un scanner spiralé avec des coupes cérébrales non injectées, des coupes injectées sur le thorax, l'abdomen et le pelvis, puis une étude en mode radio (topogramme) sur le rachis, le bassin, les fémurs. Le temps nécessaire est de 30 à 40 minutes contre 1 heure à 2 heures 30 pour un bilan classique, mais le procédé n'est pas encore validé.

Examens ultrasonographiques

Échographie
Les examens ultrasonographiques sont de deux types : l'échographie abdominale et l'échographie cardiaque. Ces examens ont l'avantage de pouvoir être réalisés au lit du patient, d'être répétés et de ne pas être invasifs. En revanche, tous deux sont opérateur-dépendants [34] .

L'échographie abdominale répond essentiellement à deux questions : y a-t-il un épanchement intrapéritonéal ? Peut-on faire un diagnostic lésionnel ? Elle représente un très bon examen de débrouillage, surtout quand le patient a un état hémodynamique instable et ne peut être transporté [35] ; c'est un examen d'une grande disponibilité, simple à réaliser et facilement reproductible [36] . Extrêmement sensible, elle permet la détection d'un épanchement intrapéritonéal minime (50 mL), dont la gravité peut être jugée par confrontation avec la clinique [37] . Elle a habituellement tendance à le sous-estimer. L'aggravation de l'hémopéritoine sur deux contrôles successifs est un signe de gravité. Contrairement à la TDM, elle ne requiert pas d'immobilité et peut donc être largement utilisée en pédiatrie, permettant de ne pas recourir à la sédation [38] [39] . Enfin l'échographie abdominale chez la femme enceinte permet de s'assurer de la viabilité du foetus. En revanche, l'examen est limité dans l'étude du rétropéritoine (en dehors de la pathologie rénale) et peut être mis en défaut pour détecter un hématome rétropéritonéal ou une lésion du pancréas. Elle n'est d'aucune utilité dans le diagnostic de perforation d'organe creux [40] . De plus, l'échographie peut être rendue difficile voire impossible par la présence d'un iléus réflexe ou d'un emphysème sous-cutané ou d'un pantalon anti-choc, dont le compartiment abdominal est gonflé. Enfin, elle est moins performante pour le diagnostic d'organe comparé à la scanographie. L'échographie, souvent réalisée très tôt, ne visualise pas toujours la lésion causale.

Échocardiographie transoesophagienne
Elle permet de réaliser un monitorage hémodynamique non invasif, au lit du patient, et de diagnostiquer une contusion myocardique, une lésion péricardique, des épanchements péricardique ou pleural et une atteinte de l'isthme aortique [41] [42] . Néanmoins, elle n'est pas largement disponible et demeure très opérateur-dépendante avec une fiabilité qui reste à évaluer. Dans des mains expérimentées, elle représente toutefois, grâce à la rapidité de réalisation, la qualité des renseignements fournis et l'absence de mobilisation du patient, un examen d'un très grand apport chez le polytraumatisé (surtout en cas d'instabilité hémodynamique).

Angiographie
Elle a pour objectif le diagnostic topographique précis d'un saignement suspecté par la clinique. Lorsque l'examen diagnostique l'origine artérielle de l'hémorragie, une éventuelle embolisation peut être effectuée dans le même temps. L'angiographie est particulièrement intéressante dans les saignements massifs des fractures graves du bassin pour emboliser une artère hypogastrique ou une de ses branches (fessière supérieure ou sacrées latérales) dont l'hémostase chirurgicale est difficile. Elle est également vitale dans certaines hémorragies massives maxillofaciales et dans de rares cas de saignement intrapéritonéal [43] [44] . L'angiographie reste l'examen de référence en cas de suspicion de rupture sous-adventitielle de l'aorte thoracique [21] [24] [45]

L'indication d'une exploration vasculaire peut se poser exceptionnellement à la phase aiguë d'un traumatisme crânien. La recherche d'une dissection artérielle intra- ou extracrânienne, d'une fistule carotido-caverneuse voire d'un exceptionnel anévrysme post-traumatique, doit inciter à réaliser un bilan angiographique [46] . Aucune étude ne permet actuellement de choisir la modalité la plus efficace. Au cours du bilan scanographique, la suspicion clinique peut conduire à réaliser une angioscanographie explorant soit les vaisseaux du cou, soit le cercle artériel de la base du cerveau (Willis). La perspective d'un traitement endovasculaire (fistule) doit faire préférer l'angiographie conventionnelle qui permettra le traitement dans le même temps opératoire.

Dans les traumatismes complexes d'un membre, avec ischémie aiguë, l'artériographie permet de guider la thérapeutique. Néanmoins, le produit de contraste est source d'insuffisance rénale chez ce type de patient.

L'angiographie est dans tous les cas un examen invasif, nécessitant l'injection de produit de contraste, une installation spécifique, une équipe expérimentée et disponible.

Imagerie par résonance magnétique nucléaire
L'imagerie par résonance magnétique nucléaire (RMN) est un examen long, nécessitant l'immobilité du patient qui reste inaccessible pendant tout l'examen. La RMN, en dépit d'une très grande sensibilité (en particulier pour les lésions de la ligne médiane et des dilacérations de la substance blanche) n'a pas fait la preuve de son intérêt à la phase aiguë du traumatisme crânien.

Pour l'exploration rachidienne, la RMN permet de réaliser des coupes sagittales et fournit une imagerie exceptionnelle de la moelle. Toutefois, la principale, et probablement la seule indication de la RMN en urgence, est une atteinte médullaire sans lésion osseuse décelable : la RMN visualise alors aisément une hernie discale traumatique, un hématome extradural ou une contusion médullaire. Des lésions neurologiques définitives sont parfois associées à une RMN strictement normale (10 % des cas) [13] .

Ces examens complémentaires sont longs et rendent le monitorage difficile. Ils ne s'adressent donc qu'aux patients à l'état hémodynamique parfaitement stabilisé chez lesquels la réanimation, débutée à la phase préhospitalière, est poursuivie. La période aiguë passée, une suspicion de brèche diaphragmatique peut être confirmée par la RMN.

La non-disponibilité sur toute la journée, même dans les grands centres de traumatologie, et les contraintes techniques de cet examen expliquent son utilisation actuelle très limitée en urgence.

Autres examens

Électrocardiogramme
L'ECG chez le patient polytraumatisé doit être réalisé à l'admission. Il sert de référence et permet de détecter des anomalies de repolarisation, de conduction ou du rythme cardiaque pouvant orienter vers le diagnostic de contusion myocardique. Dans ce but, il doit comporter une analyse des dérivations droites. Enfin, chez un patient polytraumatisé à risque cardiovasculaire, il permet de préciser une éventuelle souffrance myocardique.

Fibroscopie
Son apport réside essentiellement dans le diagnostic de rupture et de plaie trachéobronchiques qui auront été suspectées devant un pneumomédiastin. D'autre part, la fibroscopie bronchique permet de lever une atélectasie sur obstruction bronchique telle que l'on peut l'observer lors des contusions pulmonaires [47] . Enfin, elle peut amener à découvrir un corps étranger qui sera alors extrait. Sa réalisation impose un contrôle de l'oxygénation du patient par intubation trachéale et ventilation avec FIO2 élevée, voire insufflation d'oxygène dans le canal latéral du fibroscope. Par ailleurs, la fibroscopie bronchique pose le problème d'une éventuelle hypercapnie et d'une hyperpression thoracique pouvant être délétère chez le traumatisé crânien grave. Chez le brûlé, la moindre suspicion d'atteinte des voies aériennes impose la réalisation d'une fibroscopie.

Ponction-lavage du péritoine
C'est un examen invasif, dont la seule indication devrait être la recherche d'un hémopéritoine. Elle reste très utilisée dans les pays anglo-saxons ; une étude récente lui trouve même une supériorité en termes de temps et de coût par rapport à la TDM abdominale [48] . Les mêmes rapidité et sensibilité sont cependant obtenues par l'échographie.

L'aspiration de plus de 5 mL de sang, une numération du retour de dialyse montrant plus de 100 000 hématies par mL ou plus de 50 leucocytes, signent respectivement l'hémopéritoine ou la rupture d'organe creux, avec de bonnes sensibilité et spécificité (87-97 %) [49] . Des faux positifs sont cependant possibles par diffusion d'un hématome rétropéritonéal ; la PLP ne doit pas se faire avant échographie. La PLP peut garder certaines indications devant une instabilité hémodynamique majeure si l'échographie n'est pas disponible. Sous sa forme simplifiée (ponction à l'aiguille), elle peut permettre de faire admettre en urgence un blessé instable en salle d'opération.

Biologie
Les examens biologiques à réaliser chez le patient polytraumatisé sont peu nombreux et ne peuvent orienter le diagnostic. Les examens indispensables sont le groupage sanguin et la recherche d'agglutinines irrégulières, ceux-ci doivent être prélevés selon une procédure d'identification sous X si l'identité du patient est imprécise ou méconnue. Si l'état hémodynamique nécessite un remplissage vasculaire, le bilan sanguin doit être effectué au plus vite, si possible sur les lieux de l'accident. La numération globulaire et le bilan d'hémostase permettent de guider la transfusion de produits sanguins et d'en surveiller l'efficacité. Enfin, un bilan prétransfusionnel doit être pratiqué conformément au décret consacré. D'autres examens sanguins ne sont utiles en urgence que dans certaines circonstances. Ainsi, à la suite d'un incendie, lactates artériels et dosage de la carboxy-hémoglobine peuvent orienter la conduite thérapeutique.

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