Journée Nationale de la Greffe 22 juin 2000

Compte-rendu publié par le Ministère de l'Emploi et de la Solidarité

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Sommaire

Pour une véritable politique de santé publique de la greffe
Les 25 mesures du " plan greffes "

Fiches techniques

Prélèvement et greffe d’organes et de cornées
Sécurité sanitaire et greffes : biovigilance et traçabilité
Durées médianes d’attente des greffes d’organes par région
Évaluation des résultats des greffes
Réexamen des lois de bioéthique
Enquête nationale sur le don et le prélèvement d’organes
Le système HLA
L’Établissement français des Greffes
Principales lois régissant l’activité des greffes
 
POUR UNE VÉRITABLE POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE DE LA GREFFE
Après la crise du début des années 90 –qui a vu une chute brutale et importante des prélèvements et par conséquent des greffes- la confiance est revenue.
L’heure est venue d’accentuer l’effort en faveur des malades en attente de greffe dans un esprit de solidarité, de justice et de transparence.
Cet engagement est en effet nécessaire en raison de l’importance de la greffe comme facteur de réduction de la mortalité et du handicap.
Le bilan global est satisfaisant, aussi bien dans le domaine de la greffe elle-même que pour ce qui concerne les dispositifs d’encadrement qui ont été mis en œuvre.
Nous sommes cependant aujourd’hui en situation de manque de greffons.
En effet, près de 6 000 patients sont inscrits sur la liste d’attente de greffe d’organes et espèrent trouver, grâce à cette thérapeutique, une issue favorable à leur maladie ou un soulagement à leur handicap. Or, seulement 2 000 morts encéphaliques sont recensées chaque année alors même que le nombre théorique de morts encéphaliques est estimé entre 5 et 10 000 par an. De plus, sur les 2 000 morts recensés, seule la moitié d’entre elles donne lieu à un prélèvement ; une bonne partie des " non-prélèvements " étant due au refus des familles.
Dès lors, il apparaît indispensable, d’une part, d’améliorer le recensement des morts encéphaliques et, d’autre part, d’augmenter le taux de prélèvement.
A cette situation de manque de greffons s’ajoutent des inégalités importantes entre les régions ; d’où des durées d’attente excessives et inégales.
Nous sommes donc dans une situation paradoxale : si la France est en pointe dans certains domaines avec des équipes chirurgicales rodées et performantes, et même si les enquêtes montrent que l’opinion publique est réceptive, il reste cependant une offre qui ne répond pas à la demande et qui conduit à une pénurie.
Ainsi, après une phase largement portée par des pionniers dans le domaine de la greffe, puis une phase d’organisation et d’encadrement de la sécurité sanitaire, il est aujourd’hui indispensable de construire une véritable politique publique du prélèvement et de la greffe, de construire un programme d’ensemble autour de quatre grands axes :
favoriser l’accès à la greffe c’est à dire avant tout au greffon,
réduire les inégalités régionales d’accès à la greffe,
renforcer la solidarité et soutenir la générosité de nos concitoyens,
enfin, accompagner les efforts de recherche pour améliorer les résultats.

LES 25 MESURES DU " PLAN GREFFES "

 
FAVORISER L’ACCÈS A LA GREFFE

· Renforcer les coordinations hospitalières

- Créer 120 postes de coordonnateurs sur 3 ans.

- Améliorer l’organisation hospitalière du prélèvement.

- Faire entrer la qualité de l’accueil des familles dans les procédures d’accréditation.

· Valoriser le prélèvement

- Donner toute sa place au prélèvement dans l’activité hospitalière.

- Favoriser le développement de réseaux de prélèvement.

- Valoriser le prélèvement dans le PMSI.

- Rembourser les frais de prélèvements.

· Former les professionnels

- Renforcer ces thèmes dans le 2ème cycle des études médicales.

- Renforcer ces thèmes dans les formations infirmières.

· Améliorer l’accès à la greffe de moelle osseuse

- Augmenter la taille du fichier français.

- Rembourser toutes les demandes de typage.

- Améliorer la qualité du fichier en typage.

- Développer une communication spécifique dans les établissements de transfusion sanguine.

- Poursuivre le développement des banques de sang placentaire.

- Intégrer France Greffe de Moelle à l’Établissement français du Sang.

RÉDUIRE LES INÉGALITÉS D’ACCÈS

· Adapter les règles de répartition.

· Mieux organiser l’orientation des patients entre les régions.

· Réviser la carte sanitaire.

· Enrichir le fichier français de donneurs de moelle osseuse en groupes rares.

ACCOMPAGNER LA RECHERCHE

· Donner une priorité à la recherche en thérapie cellulaire dans le programme hospitalier de recherche clinique (PHRC).

· Créer 40 postes d’assistants de recherche clinique.

SOUTENIR LA GÉNÉROSITÉ ET LA SOLIDARITÉ

· Développer l’information sur le libre choix.

· Lancer une journée annuelle de réflexion sur le don d’organe et une campagne médiatique sur le don.

· Inscrire dans la loi une mention valorisant le don.

· Développer la solidarité internationale.

 

FICHES TECHNIQUES

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PRÉLÈVEMENT ET GREFFE D’ORGANES ET DE CORNÉES

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La rareté de l'état de mort encéphalique et l'organisation insuffisamment efficace du prélèvement expliquent en partie le manque de greffons. Jusqu'en 1990, le nombre de greffes d'organes ou de cornées augmentait chaque année. Entre 1991 et 1994, une crise sévère a fait chuter les prélèvements et donc les greffes de 20 % pour les organes et de 30 % pour les cornées.

Une amélioration nette pour la cornée
En 1991, 3 843 greffes de cornées ont été réalisées en France.
Ce nombre a chuté à 2 741 en 1994.
L'augmentation a ensuite été constante, surtout à partir de 1998.
En 1999, 4 157 greffes ont été réalisées, un chiffre jamais atteint. Ceci résulte de l'augmentation nette des prélèvements (5 141 en 1999) mais aussi du niveau des importations, qui reste stable en 1999 (1 046).
L'estimation des besoins est en nette baisse (9 262 en 1996, 5 263 en 1999), traduisant une meilleure couverture de ceux-ci.
L'effort accru en faveur du prélèvement de cornées, la mise en place de banques de tissus autorisées et la liste d'attente des cornées devraient permettre de répondre encore plus efficacement aux besoins.
Une amélioration encore insuffisante pour les organes
En 1991, 3 572 greffes d'organes ont été réalisées en France.
Ce nombre a chuté jusqu'au niveau le plus bas de 2 807 en 1996.
Depuis 1997, il y a accroissement : 2 839 en 1997, 3 116 en 1998, 3 018 en 1999. L'amélioration a été nette pour le foie, dont le nombre de greffes a dépassé en 1999 le niveau de 1991 mais elle est insuffisante pour le rein et le poumon. La situation est particulière pour le cœur, compte tenu de l'évolution des indications marquée par une nette diminution des inscriptions en liste d'attente chaque année (595 en 1994, 507 en 1999).
Cette évolution justifie les efforts en faveur du prélèvement d'organes prévus dans le cadre du " projet 15/20 " (passer de 15 prélèvements par million d’habitants à 20) de l'Établissement français des Greffes.
Prélèvements et greffes d’organes sur les 5 premiers mois de 2000
La comparaison de l’activité globale des cinq premiers mois de 2000 par rapport aux cinq premiers mois de 1999, révèle une amélioration, aussi bien au niveau du recensement des sujets en état de mort encéphalique (+ 8 %) qu’au niveau du nombre d’organes greffés (+ 10 % ).
L’amélioration de cette activité semble principalement liée à un redressement du recensement et des prélèvements au niveau de la région Ile de France, qui avait manifesté une chute d’activité en 1999, laquelle avait obéré l’ensemble des résultats en France.
Cette tendance est encourageante et laisse espérer une amélioration de quelques pourcents par rapport à l’activité 1999, ce qui amènerait à un retour au niveau de l’année 1998. Toutefois, il importe de savoir que ces activités sont sujettes à des variations imprévues qui peuvent modifier la tendance actuelle.
Évolution du nombre de greffes d’organes durant la dernière décennie :
1991 (maximum) : 3 572
1992 : 3 220
1993 : 3 180
1994 : 2 855
1995 : 2 356
1996 : 2 807
1997 : 2 839
1998 : 3 116
1999 : 3 018
2000 : (5 premiers mois) : + 10 % par rapport aux 5 premiers mois.

SÉCURITÉ SANITAIRE ET GREFFES : BIOVIGILANCE ET TRAÇABILITÉ

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La biovigilance : son champ d’application, son intérêt.

La biovigilance, actuellement en cours d’organisation, vient compléter l’encadrement législatif et réglementaire des greffes (règles de bonnes pratiques, conditions d’autorisation, décret sur les maladies transmissibles,...)
Elle constitue un maillon fort de la sécurité sanitaire de la chaîne longue et complexe allant du prélèvement à la greffe. Elle concerne les produits issus du corps humain et des animaux (xénogreffes) : organes, tissus et cellules. Elle englobe également les produits utilisés et mis au contact direct de ces produits (liquides de transport, de conservation, de croissance des cellules...).
La biovigilance permet à l’Établissement français des Greffes :

 

d’obtenir des informations d’ordre épidémiologique : la fréquence des marqueurs de maladies transmissibles connues (hépatites, VIH, syphilis) dans les populations concernées (donneurs et receveurs), le suivi de cohortes de patients ciblés. Ces informations épidémiologiques sont une aide aux décideurs de santé publique : par exemple, nécessité d’adjoindre tel ou tel test de détection pour une maladie transmissible (étude en cours concernant l’hépatite C, avec l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments et des produits de santé (AFFSaPS) et l’Etablissement français du Sang (EfS) ;
de " repenser " les modes d’organisation, de fonctionnement, voire les bonnes pratiques, à propos d’un incident signalé et documenté, et de dégager des recommandations ;
de s’intégrer dans le système plus vaste des vigilances, géré au plan national par l’AFSSaPS : le patient greffé peut relever de plusieurs vigilances car il reçoit, outre le greffon, des transfusions sanguines (hémovigilance) et des médicaments (pharmacovigilance). Les produits du corps humain peuvent être intégrés dans un dispositif médical et relèvent alors de la matériovigilance (l’EfG est membre de la Commission nationale de matériovigilance).
 

La biovigilance : sa réalisation

Un décret (prévu pour fin 2000) précisera l’organisation territoriale de la biovigilance, le rôle de chaque intervenant (AFSSaPS, EfG notamment) et mettra en œuvre les déclarations de l’ensemble des incidents survenus.
Concernant l’EfG, les déclarations actuelles d’incidents annuels sont en nombre modéré, non comparable avec les autres vigilances. Ces déclarations sont transmises à l’AFSSaPS (Département des vigilances) au fur et à mesure de leur survenue.
 

La traçabilité, outil indispensable à la biovigilance et nécessité réglementaire :

Le cadre législatif et réglementaire des greffes oblige à la traçabilité de tous les produits prélevés et utilisés.
Cette traçabilité permet de renseigner immédiatement sur l’origine des prélèvements et leurs destinations, dans les deux sens (donneur Õ receveur et receveur Õ donneur).
Elle a un intérêt à la fois épidémiologique et médico-légal.
La traçabilité est réalisée grâce au système d’information de l’EfG :
système " Cristal " pour les organes,
logiciels informatiques spécifiques pour les tissus (50 banques en France),
- autres organismes gérant les cellules (France Greffe de Moelle –FGM-, unités de thérapie cellulaire…).

Cette traçabilité respecte le principe d’anonymat : un numéro d’identification du don et un numéro d’identification du receveur se substituent aux renseignements nominatifs.

Parallèlement à cette traçabilité informatique, les dossiers " papier " sont conservés pour chaque prélèvement et chaque greffe, et archivés par les services concernés (banques de tissus, unités de thérapie cellulaire, EfG, services hospitaliers).

Un des projets du Contrat d’objectifs et de moyens de l’Établissement en matière de traçabilité est d’attribuer un numéro donneur à partir de l’interrogation obligatoire du Registre National des Refus pour tout prélèvement sur le corps de personnes décédées. Ce numéro unique facilitera donc la traçabilité.

 

DURÉES MÉDIANES D’ATTENTE DES GREFFES D'ORGANES PAR RÉGION

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Méthodes, résultats, perspectives.

Méthodes
Seuls les malades ayant eu une greffe sont pris en compte dans la détermination de la durée médiane, qui ne considère donc pas les malades toujours en attente de greffe. Ces calculs sont faits pour une région administrative étant entendu qu’à l’exception de l’Ile-de-France, des régions Rhône-Alpes et PACA, l’offre de greffe d’une région est liée en général à l’activité d’une seule équipe de greffe.
Résultats
Ce schéma représente les médianes d’attente (en mois) d'une greffe de rein, de foie, ou de cœur par région en 1998.
Greffe rénale : de grandes disparités sont observées dans les médianes d’attente pour ce type de greffe. Les extrêmes sont de 4 mois (Poitou-Charente) à 33,7 mois en Languedoc-Roussillon. La région Ile-de-France se situe à 13,1 mois en médiane.
Greffe hépatique : il existe de moins grandes disparités dans ce type de greffe avec des extrêmes situées entre 0,5 et 3,8 mois .
Greffe cardiaque : comme pour la greffe de rein, les disparités sont importantes.
Pourquoi ces disparités ?
En ce qui concerne la greffe rénale, on dispose de trois explications :
le type de malades inscrits conditionne la durée d’attente. En effet, certains groupes de malades (malades hyper-immunisés, groupes sanguins rares) ont plus de difficultés à accéder à un organe compatible. Le nombre de malades augmente d'autant plus sur la liste que celle-ci est ancienne (équipe de greffe en activité depuis longtemps).
l’offre de greffons : certaines régions ont un taux de prélèvement égal ou supérieur à 20 donneurs prélevés par million d’habitants ; d’autres, au contraire, ont un taux inférieur à 12 donneurs prélevés par million d’habitants. Or, un facteur géographique (local ou régional) est pris en compte dans les règles de répartition des greffons.
l’offre de greffe : le nombre et la répartition des équipes ainsi que le niveau de leur activité conditionnent également les possibilités de greffe.
Quelles sont les perspectives ?
développer l’offre de greffon à hauteur de 20-25 donneurs prélevés par million d’habitants dans toutes les régions, avec :
la mise en place d’autorisations de prélèvement dans tous les établissements présentant les conditions médico-techniques nécessaires et suffisantes ;
les mesures d’accompagnement sous forme de renfort en temps médical et paramédical dans les établissements concernés par cette activité qu’ils soient CH ou CHU.
rationaliser les flux de patients entre les régions. Certaines équipes sont jugées plus attractives que d’autres, alors même que l’offre de greffons dans leur région est faible. harmoniser l’offre de greffe, ce qui signifie mieux répartir dans l'avenir le nombre d’équipes de greffes en fonction des besoins sanitaires, tout en assurant aux équipes les moyens nécessaires pour prendre en charge leur cohorte de malades. élaborer des règles de répartition des greffons prenant mieux en compte le facteur durée d’attente, notamment en greffe de rein. C’est un des projets prioritaires inscrit, dans le Contrat d’objectifs et de moyens de l’EfG.

ÉVALUATION DES RÉSULTATS DES GREFFES

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Conformément à sa mission, l’Établissement a préparé en 1996 puis conduit en 1997 et 1998 une évaluation comparative des résultats des greffes d’organes, par type de greffe et par équipe. Cette évaluation a été l’occasion d’apprécier la qualité de la base de données Cristal gérée par l’Établissement, d’en améliorer l’exhaustivité et le contenu, de développer une bonne articulation avec les 114 équipes de greffe d’organes françaises et de procéder à une évaluation qualitative par équipe. Après un audit de la qualité des données utilisées, en comparant les résultats pour des malades comparables, il apparaît qu’il y a des différences de qualité des résultats entre les équipes mais que l’amplitude de ces différences est faible (voir rapport ci-joint). Ceci est un élément rassurant pour les malades et témoigne de l’homogénéité de la qualité des soins en matière de greffe d’organes entre les différents CHU français. Cette étude montre aussi que s’il y a, semble-t-il, un lien entre le nombre élevé de greffes hépatiques ou pulmonaires réalisées chaque année et la bonne qualité des résultats de ces greffes, un tel lien n’est pas observé pour les greffes de rein et de cœur.

La publicité de ces résultats, d’abord vis-à-vis des professionnels de santé, puis vis-à-vis du public en 1999, a traduit la démarche de transparence des pouvoirs publics dans ce domaine de l’information des malades et du public, notamment dans l’esprit de l’égalité des citoyens face à la qualité des soins. Elle a été présentée par les médias comme un effort pionnier en France en matière de transparence de la part des équipes de greffe et de l’Établissement français des Greffes.
Perspectives
En 2000, il est prévu de conduire une étude analogue pour l’évaluation des résultats des allogreffes de cellules souches hématopoïétiques. Les résultats préliminaires conduisent aux mêmes observations que pour les organes. En effet, des différences significatives des résultats sont observées selon les équipes mais l’amplitude des différences est faible. Comme pour le rein ou le cœur, il n’est pas observé de lien entre le nombre de greffes réalisées et la qualité des résultats.
La mise en place d’une évaluation en continu serait un progrès important. Ce projet s’appuie sur une coopération avec l’INSERM, car elle suppose la mise au point de méthodes d'évaluation nouvelles. Elle suppose aussi une grande qualité de la base de données en terme d’exhaustivité et de qualité des données saisies.

RÉEXAMEN DES LOIS DE BIOÉTHIQUE

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Le réexamen des lois de bioéthique sera l'occasion de procéder à des adaptations afin de simplifier et d'améliorer la compréhension de la loi ou de lever certaines ambiguïtés. Il conduira sans doute aussi à rediscuter la question du consentement au prélèvement à des fins thérapeutiques. D'ores et déjà, un certain nombre de questions rassemblant les principales tensions éthiques, se profilent.

Élargissement des possibilités en terme de prélèvement d'organes à partir de donneur vivant à des fins thérapeutiques
Aujourd'hui, le cadre est restrictif et la pratique est plus restreinte que ce que le cadre autorise.
Faut-il élargir le cadre familial des possibilités de prélèvement d'organes avec donneur vivant et jusqu'à quel degré de parenté ?
Faut-il aller au delà du cadre de la parenté et envisager que des personnes reliées par des liens affectifs puissent être donneur et receveur ?
Quel dispositif mettre alors en place afin d'éviter le risque de dérive à forme de coercition ou de commercialisation ?
Le régime du consentement au prélèvement à des fins scientifiques
Aujourd'hui, ce régime est strict puisqu'un consentement explicite est imposé pour un prélèvement sur personne décédée à des fins scientifiques. Cette exigence rend délicats, voire impossibles, les prélèvements à des fins scientifiques, dès lors que, selon le régime du consentement présumé, un prélèvement à fin thérapeutique a été possible. La question qui sera débattue sera celle d'adopter un régime de consentement présumé pour les finalités thérapeutiques et scientifiques.
L'équilibre entre bénéfice et risque : un principe introduit dans la loi
Le décret 97-928 relatif à la sécurité sanitaire des prélèvements d'éléments du corps humain utilisés en vue de greffe a introduit la notion que, pour certains types d'éléments et compte tenu de la gravité de l'état de santé du receveur, il pouvait être admis certaines dérogations aux règles de sécurité de ces prélèvements, afin d'offrir une chance d'accès à un greffon pour un malade très menacé, même si l'acceptation de ce greffon expose au risque de transmission d'une maladie au receveur. Cette disposition résulte de la mise en équilibre du risque lié à l'absence de greffon et de celui lié à l'acceptation de ce greffon.
Ce principe de nature typiquement médicale mériterait sans doute d'être porté au niveau de la loi afin d'affirmer que la responsabilité médicale, dans le respect de l'information du malade, doit permettre la pesée des risques en particulier dans le domaine des greffes où l'état de santé du receveur potentiel est souvent très altéré.
Utilisation des cellules souches embryonnaires à des fins thérapeutiques
L'embryon est entendu comme le stade très précoce du développement durant lequel il est effectivement composé de cellules, dites totipotentes, qu'on appelle cellules souches embryonnaires.
Autour de la recherche sur l'embryon se rejoignent les préoccupations éthiques relevant du domaine de la procréation et celles relevant du domaine de la greffe. La capacité de pilotage de la prolifération et de la différenciation de cellules souches à potentialités très grandes comme les cellules souches embryonnaires conduit aujourd'hui à imaginer des utilisations thérapeutiques. Celles-ci peuvent relever de la production et de l'utilisation de cellules différenciées à des fins thérapeutiques, de l'utilisation de telles cellules pour la fabrication d'éléments tissulaire (ingénierie tissulaire), voire , à plus long terme, pour la production d'organes comportant les populations cellulaires différenciées nécessaires dans une architecture tridimensionnelle caractéristique des masses fonctionnantes.

ENQUÊTE NATIONALE SUR LE DON ET LE PRÉLÈVEMENT D’ORGANES

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Objectifs : mieux connaître les déterminants du refus, les motivations du refus ou les représentations qui mènent au refus était l’objectif de cette enquête réalisée en 1997 dont le principe a été admis dans le cadre du colloque " Greffe, don et société " organisé par l’Établissement français des Greffes en décembre 19961.

Cette présentation résumée des résultats et leur analyse ne peut dispenser d’une étude plus détaillée de l’ensemble de l’enquête.
Méthode : une enquête par questionnaire comprenant une centaine de questions, posées par téléphone à 1011 personnes sélectionnées de façon aléatoire dans un fichier France Télécom de 2497 usagers.
Durée de l’entretien = 30 minutes.
932 personnes, dans deux tiers des cas de sexe masculin, ont refusé de s’exprimer, dans un quart des cas du fait du sujet lui-même.
Quatre niveaux d’analyses des résultats de l'enquête ont été explorés par des chercheurs en sciences humaines et sociales.
Principaux résultats :
Don d’organes ou de moelle osseuse
Le don du vivant est largement accepté (90 %).
Une personne sur deux a pensé qu’elle pourrait avoir un jour besoin d’une greffe et 70 % des personnes que leurs organes pourraient un jour être prélevés pour greffer une autre personne.
Pour 78 % des personnes, l’anonymat donneur-receveur est une condition nécessaire.
Pour 54 % des personnes, le don de moelle osseuse ou d’organes est un don pour un malade et non pas un don à la société.
Citoyenneté
94 % des personnes jugent que le prélèvement est un geste de solidarité.
60 % des personnes sont en désaccord avec l'éventualité d’une appropriation des organes (prélèvement systématique).
Pour 80 % des personnes interrogées, le prélèvement n’est pas une atteinte à la dignité d’une personne décédée.
Attitude vis à vis du prélèvement sur soi ou sur un proche
54 % des Français sont en faveur d’un prélèvement sur soi.
42 % sont en faveur d’un prélèvement sur un proche.
34 % sont en faveur pour les deux cas.
50 % sont indécis.
8 % sont totalement opposés.
Ceux qui sont en faveur sont globalement plus éduqués, avec un niveau de vie plus élevé ; ils se répartissent surtout dans les catégories 20-25 ans et 35-65 ans.
La religion et son degré de pratique n’ont pas d’incidence sur l’acceptation.
Degré de connaissance du sujet comme déterminant
Seule la compréhension de la signification de la mort encéphalique a une incidence (positive) sur l’acceptation. Les autres déterminants, comme le coût des greffes notamment, n’en ont pas.
Opinions selon la classe d’âge
La greffe est un progrès médical, sauf pour les 15-25 ans qui sont beaucoup plus au fait de toutes les nouvelles technologies.
L’attachement au principe de l’anonymat donneur-receveur est assez diversifié mais plus les personnes sont âgées plus elles adhérent au principe.
Le cadre juridique de l’autorisation de prélèvement : les 15-25 ans et les 65 ans et plus sont plus nombreux à penser qu’il faut l’autorisation des familles pour pouvoir prélever.
Les Français, le droit, la loi
Les Français sont réticents à la notion de consentement présumé qu’ils ne comprennent pas. Ils sont attachés au fondement classique du droit : le corps appartient à chacun, et à la famille après le décès si le défunt n’a pas manifesté sa volonté.
51 % d’entre eux sont attachés au consentement exprès et, à défaut, à celui de la famille.
80 % des Français croient que le prélèvement est possible si le défunt ou la famille l'a autorisé, et ont donc une connaissance erronée de la loi.
Parmi les personnes favorables à un prélèvement, 41 % ne se posent pas la question de savoir ce qu’en aurait pensé l’intéressé.
Concernant le registre du refus, si une personne n’est pas inscrite, 46 % des Français déclarent qu’il faut aller chercher le témoignage de la famille quant à la volonté du défunt (contre 38 % qu’il faut rechercher l’accord de la famille).
Don du vivant
Les Français sont pour une extension presque sans limite du don du vivant, mais aussi presque sans limite quant au lien entre donneur et receveur.
Considérations générales
60 % pensent que chacun n’a pas les mêmes chances d’obtenir un greffon. Les personnes interrogées sont partagées quant à la qualité de vie des malades ayant eu une greffe.
Analyse :
L'analyse des résultats a été conduite par quatre groupes de chercheurs en sciences humaines et sociales.
Analyse du refus au travers de la perception de la mort (Nicolas Herpin et Florence Paterson)
On distingue deux sensibilités idéologiques concernant la perception de la mort en France. L’une dite " systémiste " aborde la mort comme la non fonction d’un organe tel que le cœur ou le cerveau, l’autre dite " intégraliste " perçoit la mort comme un processus conduisant à la mort de l’intégralité du corps.
La question du refus analysée au travers de ces deux perceptions semble montrer que la méconnaissance de la mort encéphalique, principalement chez les " intégralistes ", engendre plus volontiers des refus. Cependant on note beaucoup d’indécis dans cette catégorie. Toujours chez les " intégralistes ", on note un désir de survie de l’être à travers la survie de l’organe chez le receveur, voire de reconnaissance.
Les " intégralistes " sont plus volontiers des personnes moins diplômées, plutôt de catégories socio-professionnelles inférieures avec un niveau de revenu assez bas et des convictions religieuses.
Attitude des Français vis-à-vis du prélèvement d’organes sur soi ou sur un proche (Jean Paul Moatti, Nathalie Muzenberger, Carine Ferretti).
Chez les femmes, les variables les plus corrélées au don sont le niveau scolaire élevé, le fait de travailler en association et le don du sang.
Chez les hommes, les facteurs les plus corrélés au don sont l’âge, l’opinion quant à l’indemnisation du prélèvement, le degré d’information sur le don d’organes et les greffes.
Les opinions diversifiées des Français sur la greffe et le don d’organes : l’âge, la famille, la tendance politique et l’appartenance religieuse sont-ils des enjeux ? (Renée Waissman, Marie José Couteau)
La grande majorité des personnes interrogées est pour la greffe mais 71% sont contre l’institutionnalisation d’une décision individuelle dans ce domaine par la loi.
On n’observe aucun effet déterminant des opinions politiques.
Les opinions les plus diversifiées apparaissent entre les classes d’âge. Les 15-24 ans sont très en faveur.
Si les principes fondamentaux (gratuité, consentement) semblent indispensables aux français, il n’en est pas de même pour tous, pour l’anonymat donneur-receveur.
Le recours à la famille est considéré comme " obligatoire "
Les Français sont attachés au droit commun et réticents à l’égard du droit de la bioéthique (Robert Carvais, Marie-Angèle Hermitte)
Une très grande majorité de Français pense que le prélèvement est un geste citoyen et non une atteinte à la dignité des personnes. Si le cadavre n’est pas atteint dans sa dignité, la famille peut l'être dans sa sensibilité. Les français se prononcent unanimement pour la gratuité du don mais en revanche ils trouvent majoritairement anormal que la famille des donneurs n’ait pas une indemnité (remboursement de frais d’obsèques, etc.).

LE SYSTÈME HLA

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La difficulté à trouver des donneurs compatibles pour une allogreffe de moelle osseuse tient à la complexité du système HLA.
Les antigènes d’histocompatibilité ou HLA (human leukocyte antigens), dont la découverte a valu le prix Nobel en 1980 à B. Benaceraf, J. Dausset et G. Snell, sont les produits (des molécules chimiques exprimées à la surface des cellules) de l’activité de gènes dont on distingue deux grandes classes :
les gènes de classe 1 sont au nombre de 20 ; trois sont bien identifiés : HLA A, HLA B et HLA C,
les gènes de classe 2 sont aussi au nombre de 20 mais 9 seulement sont fonctionnels : HLA DRA, DRB1, DRB3, DRB4, DRB5, DQA1, DQB1, DPB1 et DPB2.
Le système HLA est caractérisé par un extrême polymorphisme qui peut être exploré par différentes techniques permettant le " groupage HLA " et déterminant ainsi " le phénotype HLA " des individus.
I – Pour les allèles* de classe 1 :
Les techniques sérologiques mettent en évidence des antigènes à la surface des cellules. Il existe plus de 30 spécificités pour l’antigène HLA A et plus de 70 spécificités pour l’antigène HLA B.
Les techniques de biologie moléculaire étudient le matériel génétique ; elles sont largement utilisées et permettent aujourd’hui de distinguer plus de 120 spécificités appelées " alléliques " ou " génomiques ".
II – Pour les allèles de classe 2 :
Les techniques sérologiques permettent de définir 14 spécificités " génériques " pour l’antigène HLA DR et 7 pour l’antigène HLA DQ.
Les techniques de biologie moléculaire sont beaucoup plus développées que pour la classe 1 : 200 spécificités " alléliques " ou " génomiques " sont reconnues pour le HLA DR, 35 pour le HLA DQA, 83 pour le HLA DP…
Ainsi, à titre d’exemple pour HLA DR, la nomenclature pourra être établie comme suit :
spécificité " générique " : DR 1, DR 15
spécificité " allélique " : DR B1 0101, DR B1 1501
On conçoit que le polymorphisme du système HLA rende parfois très difficile l’identification d’un donneur non apparenté compatible avec un receveur.

L’ÉTABLISSEMENT FRANÇAIS DES GREFFES

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L'Établissement français des Greffes a été créé en 1994, en remplacement de l’association France Transplant, dans un contexte :
de crise (baisse entre 1991 et 1994, de 20 % des prélèvements d’organes et de 30 % des prélèvements de cornées) ;
de faiblesse de l’encadrement d’une activité sensible ;
et de défiance vis-à-vis des greffes, à la fois dans les établissements de santé et dans le public.
Restaurer la confiance
Traduisant l'engagement de l'Etat, soucieux de prendre le parti des malades mais aussi de répondre à toutes les attentes du public, l'Etablissement s'est efforcé de rétablir la confiance.
Accompagnant la mise en place d'une réglementation importante, tendant au maximum à l'équité dans la répartition des greffons, informant et formant largement les personnels des établissements de santé, en contact permanent avec les médias, l'Etablissement a cherché l'équilibre entre le prélèvement et la greffe.
La confiance, après cinq ans, est partiellement restaurée. Comme preuve, une meilleure acceptation du prélèvement au sein des établissements de santé, une remontée nette des prélèvements de cornées, l'interruption de la chute puis la remontée, encore incomplète, des prélèvement d'organes.
Poursuivre l'effort vers plus d'efficacité
Après un audit de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), demandé par l’Etablissement, celui-ci s’est engagé en 1999 dans l’élaboration d’un contrat d’objectifs et de moyens avec sa tutelle. Ce contrat, le premier signé par une agence sanitaire, a été signé en mars 2000.
Ce contrat met en avant :
une amélioration en matière de prélèvement (passer de 15 prélèvements par million d’habitant à 20 : " projet 15/20 ") ;
une amélioration de l’égalité d’accès à la greffe, notamment en terme de durée d’attente des greffons rénaux ;
l’accentuation des travaux d’évaluation, de recherche clinique ;
le développement de la coopération internationale, tout ceci en lien avec les partenaires principaux (administration et agences de sécurité sanitaire) ;
l’élargissement des missions de l’Etablissement dans le cadre précis du traitement de l’insuffisance rénale terminale : projet REIN.
L’Etablissement français des Greffes se prépare concrètement à renforcer le pôle santé de Saint-Denis en y implantant définitivement son siège national.

PRINCIPALES LOIS RÉGISSANT L’ACTIVITÉ DES GREFFES

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La loi Caillavet du 22 décembre 1976 a explicitement autorisé le prélèvement destiné à des greffes thérapeutiques et institué le consentement présumé (article 2 : " Des prélèvements peuvent être effectués à des fins thérapeutiques ou scientifiques sur le cadavre d’une personne n’ayant pas fait connaître de son vivant son refus d’un tel prélèvement ").

La loi hospitalière du 31 juillet 1991 a donné une base légale à la planification sanitaire des activités de transplantation et de greffes.
Sont ainsi aujourd’hui soumises à autorisation et à carte sanitaire les activités de greffes rénales (40 sites autorisés), de greffes de foies (26 sites), de greffes cardiaques (29 sites) et d’allogreffes de cellules souches hématopoïétiques (28 sites). Les activités de greffes cœur/poumons (14 sites) ou pancréatiques (13 sites) sont soumises à autorisation sans être soumises à la carte sanitaire.
La loi a également permis de soumettre à des normes de compétence et d’équipement les sites réalisant des transplantations.
La loi bioéthique du 29 juillet 1994 a confirmé les principes de libre consentement, de gratuité et d’anonymat du don. Elle a de surcroît prévu l’institution de règles strictes de sécurité sanitaire et d’un dispositif de biovigilance. Près d’une vingtaine de décrets ont été pris pour son application.
La loi de sécurité sanitaire du 1er juillet 1998 renforce le dispositif d’encadrement sécuritaire des transplantations notamment pour toute utilisation de produits thérapeutiques (milieux de conservation…).

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